Reportage sur le shibari par Isha Badoniya
Les adeptes du bondage japonais veulent sortir cette pratique de l’ombre des clubs de BDSM et la transformer en une activité à part entière, un outil de communication ou un moyen d’expression artistique. Cependant, il n’est pas toujours facile pour eux de faire comprendre aux autres que la pratique des cordes n’est pas de la torture et de l’humiliation.
C’est un après-midi de mars exceptionnellement chaud à Paris. Des dizaines de couples, vêtus de vêtements de sport, équipés de tapis de yoga et de bouteilles d’eau, marchent sur la pointe des pieds à travers l’entrée d’une école de danse. Ils entrent dans une immense salle où un homme au sourire rassurant les accueille. Sur sa casquette noire sont imprimés deux mots: Shibari Artist. Dans ses mains: une paire de cordes de shibari en jute.
Les participants ne sont pas venus apprendre des mouvement de danse dans cette classe. Ils se sont inscrits pour s’initier à l’art du bondage japonais.
L’homme aux cordes, c est Seb Kinbaku.
Il donne des cours de shibari mensuels aux couples dans cette jolie salle de danse qu’il a baptisé « Shibari School Paris ». Cela fait cinq ans que le Parisien de 39 ans a quitté son métier de photographe pour la passion du shibari. Quand il se souvient de sa première rencontre avec la bondage japonais il y a de nombreuses années sous les lumières tamisées d’un club de BDSM, ce n’était pas quelque chose qui a captivé son intérêt. «C’était sans émotion, comme si quelqu’un avait attaché un moteur et l’avait suspendu en l’air», dit-il.
C’est après avoir fréquenté une fille «accro» au Shibari que Seb à voulu vraiment comprendre ce qui le rendait si addictif.Il a fini par découvrir des choses qui l’inspiraient. «C’était esthétique, acrobatique et même méditatif! «
Pourquoi veut-il transmettre le shibari à un public plus large?
«Pendant mes shows, les gens ne voient qu’une version mise en scène de mon art, sans savoir qu’ils peuvent aussi l’apprendre pour améliorer leurs relations.»
« La photographie a été le premier pas vers l’embellissement de quelque chose de » Borderline « aux yeux des gens. »
L’effet «50 nuances de grey»
Seb Kinbaku n’est pas le seul à avoir transformé une pratique alternative en une pratique sensuelle que les Français peuvent vivre dans leurs chambres à coucher. Si des films comme 50 Shades of Grey ont brisé le tabou autour du BDSM, plusieurs association de «bondage japonais» se sont multipliées dans le pays du marquis de Sade. Et contrairement à l’imagination populaire, le jeu des cordes n’est pas seulement
un fantasme masculin. Selon une enquête réalisée en 2014 par la société de recherche Ipsos, 33% des Françaises ont exprimé le désir de se livrer à des pratiques sexuelles impliquant la domination de leur partenaire, 25% souhaitant jouer le rôle de dominante. Chez les femmes de moins de 25 ans, ce chiffre est passé à 70% et 56% respectivement.
Si le Shibari a atteint le statut d’art de la corde dans certaines sociétés occidentales, ses origines orientales sont enracinées dans la douleur et la torture. Au Japon, à l’époque d’Edo, «Shibari» était le nom donné à une mesure répressive utilisée par la police pour capturer et retenir les criminels. Au fil des siècles, les cordes sont devenues un symbole d’autorité, à tel point que la crucifixion publique au moyen de cordes était considérée comme la forme de punition la plus humiliante pour une personne japonaise. Cependant, un phénomène étrange pris l’attention des autorités au cours de ces tortures. Les prisonniers attachés manifestaient un état extatique de transe, qui s’explique aujourd’hui par la compression de certaines artères et le manque d’oxygène provoqué par celle-ci. À partir de ce moment, la perception de Shibari est passée d’une douleur infligée à celle d’un plaisir dérivé.
De retour à la Shibari School Paris, c’est l’heure de la performance. Seb fera une démonstration de Shibari avec sa partenaire Malice pour clore le cours. Avant de commencer à l’attacher, il place un doux baiser sur son front et lui bande soigneusement les yeux. Ses doigts caressent le dos de son cou alors qu’il place le premier fil de corde autour de sa bouche dans lequel elle mord volontiers. Il lui prend les mains et met eux derrière son dos. Il prend la même corde et l’enroule autour de ses bras, ne s’arrêtant que pour lui placer les cheveux.
Sébastien lui murmure quelque chose dans les oreilles et elle laisse échapper un sourire en inclinant la tête et en allongeant les jambes. La toile de cordes tissée derrière le dos de Malice est tirée et tendue autour d’un anneau de bois suspendu au plafond. Le silence traverse les participants du cours. Quelques regards tourner mal à l’aise lorsque la moitié inférieure de son corps est lié et suspendu à l’envers. Après des multiples jeux de cordes et de contraintes. Malice proche de l’extase est revenue sur terre, des traces de cordes fraîches sur sa peau.
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